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Le Blog des mathématiques concrètes.
3 juin 2016

L'Evariste Galois des poètes.

 

 

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 Les mathématiques concrètes, ce n'est pas uniquement résoudre par les mathématiques des problèmes concrets. Cela est peut-être aussi la perception concrète qu'a de cette science tel écrivain ou tel poète. 

Dans les Chants de Maldoror d' Isodore Ducasse, Comte de Lautréamont, nous avons ces pages qui contribuent à faire de lui (il était presqu'aussi jeune quand il mourut et dans un autre domaine que les mathématiques tout aussi génial) l'Evariste Galois des poètes où vinrent s'abreuver par la suite tous les surréalistes:

O mathématiques sévères, je ne vous ai pas oubliées, depuis que vos savantes leçons, plus douces que le miel, filtrèrent dans mon coeur, comme une onde rafraîchissante. J’aspirais instinctivement, dès le berceau, à boire à votre source, plus ancienne que le soleil, et je continue encore de fouler le parvis sacré de votre temple solennel, moi, le plus fidèle de vos initiés. Il y avait du vague dans mon esprit, un je ne sais quoi épais comme de la fumée ; mais, je sus franchir religieusement les degrés qui mènent à votre autel, et vous avez chassé ce voile obscur, comme le vent chasse le damier. Vous avez mis, à la place, une froideur excessive, une prudence consommée et une logique implacable. À votre lait fortifiant, mon intelligence s’est rapidement développée, et a pris des proportions immenses, au milieu de cette clarté ravissante dont vous faites présent, avec prodigalité, à ceux qui vous aiment d’un sincère amour. Arithmétique ! algèbre ! géométrie ! trinité grandiose ! triangle lumineux ! Celui qui ne vous a pas connues est un insensé ! Il mériterait l’épreuve des plus grands supplices ; car, il y a du mépris aveugle dans son insouciance ignorante ; mais, celui qui vous connaît et vous apprécie ne veut plus rien des biens de la terre ; se contente de vos jouissances magiques ; et, porté sur vos ailes sombres, ne désire plus que de s’élever, d’un vol léger, en construisant une hélice ascendante ; vers la voûte sphérique des cieux. La terre ne lui montre que des illusions et des fantasmagories morales ; mais vous, ô mathématiques concises, par l’enchaînement rigoureux de vos propositions tenaces et la constance de vos lois de fer, vous faites luire, aux yeux éblouis, un reflet puissant de cette vérité suprême dont on remarque l’empreinte dans l’ordre de l’univers. Mais, l’ordre qui vous entoure, représenté surtout par la régulation parfaite du carré, l’ami de Pythagore, est encore plus grand ; car, le Tout Puissant s’est révélé complètement, lui est ses attributs, dans ce travail mémorable qui consista à faire sortir, des entrailles du chaos, vos trésors de théorèmes et vos magnifiques splendeurs. Aux époques antiques et dans les temps modernes, plus d’une grande imagination humaine vit son génie, épouvanté, à la contemplation de vos figures symboliques tracées sur le papier brûlant, comme autant de signes mystérieux vivants d’une haleine latente, que ne comprend pas le vulgaire profane et qui n’étaient que la révélation éclatante d’axiomes et d’hiéroglyphes éternels, qui ont existé avant l’univers et qui se maintiendront après lui. Elle se demande, penchée sur le précipice d’un point d’interrogation fatal, comment se fait-il que les mathématiques contiennent tant d’imposante grandeur et tant de vérité incontestable, tandis que, si elle les compare à l’homme, elle ne trouve en ce dernier que faux orgueil et mensonge. Alors, cet esprit supérieur, attristé, auquel la familiarité noble de vos conseils fait sentir davantage la petitesse de tête, blanchie, sur une main décharnée et reste absorbé dans des méditations surnaturelles. Il incline ses genoux devant vous, et sa vénération rend hommage à votre visage divin, comme à la propre image du Tout-Puissant. Pendant mon enfance, vous m’apparûtes, une nuit de mai, aux rayons de la lune, sur une prairie verdoyante, aux bords d’un ruisseau limpide, toutes les trois égales en grâce et en pudeur, toutes les trois pleines de majesté comme des reines. Vous fîtes quelques pas vers moi, avec votre longue robe, flottante comme une vapeur, et vous m’attirâtes vers vos fières mamelles, comme un fils béni. Alors, j’accourus avec empressement, mes mains crispées sur votre blanche gorge. Je me suis nourri, avec reconnaissance, de votre manne féconde, et j’ai senti que l’humanité grandissait en moi, et devenait meilleure. Depuis ce temps, ô déesses rivales, je ne vous ai pas abandonnées. Depuis ce temps, que de projets énergiques, que de sympathies, que je croyais avoir gravées sur les pages de mon coeur, comme sur du marbre, n’ont-elles pas effacé lentement, de ma raison désabusée, leurs lignes configuratives, comme l’aube naissante efface les ombres de la nuit ! Depuis ce temps, j’ai vu la mort, dans l’intention, visible à l’oeil nu, de peupler les tombeaux, ravager les champs de bataille, engraissés par le sang humain et faire pousser des fleurs matinales par dessus les funèbres ossements. Depuis ce temps, j’ai assisté aux révolutions de notre globe ; les tremblements de terre, les volcans, avec leur lave embrasée, le simoun du désert et les naufrages de la tempête ont eu ma présence pour spectateur impassible. Depuis ce temps, j’ai vu plusieurs générations humaines élever, dès le matin, ses ailes et ses yeux, vers l’espace, avec la joie inexpériente de la chrysalide qui salue sa dernière métamorphose, et mourir, le soir, avant le coucher du soleil, la tête courbée, comme des fleurs fanées que balance le sifflement plaintif du vent. Mais, vous, vous restez toujours les mêmes. Aucun changement, aucun air empesté n’effleure les rocs escarpés et les vallées immenses de votre identité. Vos pyramides modestes dureront davantage que les pyramides d’Égypte, fourmilières élevées par la stupidité et l’esclavage. La fin des siècles verra encore debout sur les ruines des temps, vos chiffres cabalistiques, vos équations laconiques et vos lignes sculpturales siéger à la droite vengeresse du ToutPuissant, tandis que les étoiles s’enfonceront, avec désespoir, comme des trombes, dans l’éternité d’une nuit horrible et universelle, et que l’humanité, grimaçante, songera à faire ses comptes avec le jugement dernier. Merci, pour les services innombrables que vous m’avez rendus. Merci, pour les qualités étrangères dont vous avez enrichi mon intelligence. Sans vous, dans ma lutte contre l’homme, j’aurais peut-être été vaincu. Sans vous, il m’aurait fait rouler dans le sable et embrasser la poussière de ses pieds. Sans vous, avec une griffe perfide, il aurait labouré ma chair et mes os. Mais, je me suis tenu sur mes gardes, comme un athlète expérimenté. Vous me donnâtes la froideur qui surgit de vos conceptions sublimes, exemptes de passion. Je m’en servis pour rejeter avec dédain les jouissances éphémères de mon court voyage et pour renvoyer de ma porte les offres sympathiques, mais trompeuses, de mes semblables. Vous me donnâtes la prudence opiniâtre qu’on déchiffre à chaque pas dans vos méthodes admirables de l’analyse, de la synthèse et de la déduction. Je m’en servis pour dérouter les ruses pernicieuses de mon ennemi mortel, pour l’attaquer, à mon tour, avec adresse, et plonger, dans les viscères de l’homme, un poignard aigu qui restera à jamais enfoncé  dans son corps ; car, c’est une blessure dont il ne se relèvera pas. Vous me donnâtes la logique, qui est comme l’âme elle-même de vos enseignements, pleins de sagesse ; avec ses syllogismes, dont le labyrinthe compliqué n’en est que plus compréhensible, mon intelligence sentit s’accroître du double ses forces audacieuses. À l’aide de cet auxiliaire terrible, je découvris, dans l’humanité, en nageant vers les bas-fonds, en face de l’écueil de la haine, la méchanceté noire et hideuse, qui croupissait au milieu de miasmes délétères, en s'admirant le nombril. Le premier, je découvris, dans les ténèbres de ses entrailles, ce vice néfaste, le mal ! supérieur en lui au bien. Avec cette arme empoisonnée que vous me prêtâtes, je fis descendre, de son piédestal, construit par la lâcheté de l’homme, le Créateur lui-même ! Il grinça des dents et subit cette injure ignominieuse ; car il avait pour adversaire quelqu’un de plus fort que lui. Mais, je le laisserai de côté, comme un paquet de ficelles, afin d’abaisser mon vol... Le penseur Descartes faisait, une fois, cette réflexion que rien de solide n’était bâti sur vous. C’était une manière ingénieuse de faire comprendre que le premier venu ne pouvait pas, sur le coup, découvrir votre valeur inestimable. En effet, quoi de plus solide que les trois qualités principales déjà nommées qui s’élèvent, entrelacées comme une couronne unique, sur le sommet auguste de votre architecture colossale ? Monument qui grandit sans cesse de découvertes quotidiennes, dans vos mines de diamant, et d’explorations scientifiques, dans vos superbes domaines. O mathématiques saintes, puissiez-vous, par votre commerce perpétuel, consoler le reste de mes jours de la méchanceté de l’homme et de l’injustice du Grand-Tout.

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Commentaires
M
Comme tu dis et contrairement aux idées reçues, Il y a bien des poètes qui aiment la mathématique ...Par exemple Guy Béart :<br /> <br /> <br /> <br /> “Vive la Vénus mathématique”<br /> <br /> Dans un journal à fascicules<br /> <br /> J’ai lu en lettres majuscules<br /> <br /> Qu’on ne peut vivre sans calcul<br /> <br /> En ce siècle où les automates<br /> <br /> Sont les grands rivaux des primates<br /> <br /> Qu’on ne peut plus vivre sans maths<br /> <br /> Comme d’ailleurs depuis toujours<br /> <br /> Quel que soit l’homme et ses recours<br /> <br /> On ne peut vivre sans amour<br /> <br /> <br /> <br /> Moi qui tiens fermement à vivre<br /> <br /> Et qui suis lucide autant qu’ivre<br /> <br /> J’ai uni le lit et le livre<br /> <br /> <br /> <br /> J’ai rencontré au point critique<br /> <br /> La femme la plus érotique<br /> <br /> Une Vénus mathématique<br /> <br /> Vive la nouvelle Vénus mathématique !<br /> <br /> <br /> <br /> Au bal de l’Hôtel Terminus<br /> <br /> Je vis soudain cette Vénus<br /> <br /> Qui embrasa mes cosinus<br /> <br /> C’était la folle nuit du rythme<br /> <br /> Au bras d’un jeune sybarite<br /> <br /> Elle exhibait ses logarithmes<br /> <br /> <br /> <br /> C’était pour moi un jour de bol<br /> <br /> La voilà qui me carambole<br /> <br /> D’un grand sourire en hyperbole<br /> <br /> <br /> <br /> C’était la grande nuit du rut<br /> <br /> Le temps de pousser un contre-ut<br /> <br /> Je l’attaquai comme une brute<br /> <br /> <br /> <br /> Grâce à son triangle et son pis<br /> <br /> Aussi rond que le nombre Pi<br /> <br /> Elle augmenta mon entropie<br /> <br /> Vive la nouvelle Vénus mathématique !<br /> <br /> <br /> <br /> Et moi, très vite, j’adorai<br /> <br /> Cette enfant qui suivait de près<br /> <br /> De toute science les progrès<br /> <br /> Les manuels, les opuscules<br /> <br /> Les courbes, les tests, les calculs<br /> <br /> Lui tenaient lieu de crépuscules<br /> <br /> Au saint nom des mathématiques<br /> <br /> Elle appliqua ses statistiques<br /> <br /> À nos étreintes frénétiques<br /> <br /> <br /> <br /> Au diable les gens qui attifent<br /> <br /> Leur passion de préservatifs<br /> <br /> Ou de retraits intempestifs<br /> <br /> <br /> <br /> Bientôt, nous réglâmes tous nos<br /> <br /> Exercices abdominaux<br /> <br /> Selon la méthode Ogino<br /> <br /> Vive la nouvelle Vénus mathématique<br /> <br /> <br /> <br /> Et la Vénus aux équations<br /> <br /> Me fit goûter des sensations<br /> <br /> D’une nouvelle dimension<br /> <br /> Les entités humanoïdes<br /> <br /> Aux formes hyperboloïdes<br /> <br /> Charment les spermatozoïdes<br /> <br /> <br /> <br /> Dans mon vieux grenier en spirale<br /> <br /> Chaque soir, quel concert de râles<br /> <br /> Quand je frôlais son intégrale<br /> <br /> <br /> <br /> Elle avait uni sans histoire<br /> <br /> La mécanique ondulatoire<br /> <br /> Et les positions giratoires<br /> <br /> <br /> <br /> Mes caresses venaient en troupe<br /> <br /> Selon la théorie des groupes<br /> <br /> Pour réunir jambes et croupes<br /> <br /> Vive la nouvelle Vénus mathématique<br /> <br /> <br /> <br /> Hélas, un jour, un jour funeste<br /> <br /> Elle me fit passer un test<br /> <br /> Qui lui démontra sans conteste<br /> <br /> En comparant des numéros<br /> <br /> Que j’étais un pauvre zéro<br /> <br /> Elle prit la tangente au trot<br /> <br /> <br /> <br /> Avec ses courbes inconnues<br /> <br /> Dans l’espace discontinu<br /> <br /> Elle s’en alla toute nue<br /> <br /> Vive la nouvelle Vénus mathématique !<br /> <br /> <br /> <br /> Philippe
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  • Les mathématiques, cela sert à quoi ? Ce blog propose des problèmes concrets que les mathématiques permettent de résoudre. Il aborde aussi des questions plus générales, parfois philosophiques, mais toujours en rapport avec les mathématiques.
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